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Je blogue donc je suis

Ze Nours Attitude

Tabac et bonbons à la menthe

















Maman m’a toujours dit que quand j’étais petite fille je n’arrêtais pas de bouger. J’avais tellement la bougette avec mes couettes tout le temps en mouvement, que cela donnait le tournis à tout mon entourage.

 

La seule personne dans la famille qui arrivait à capter mon attention et à me faire tenir tranquille pendant plus de 5 minutes à la fois, était Papé, le père de maman.

 

Je me rappelle qu’il me racontait tout le temps des histoires drôles et me montrait des trucs intéressants dans le champs ou le jardin, comme des sauterelles, des papillons et des grenouilles. Il avait aussi des arguments massues pour la petite gourmande que j’étais : les poches toujours remplis de bonbons !

 

Lui-même en faisait une consommation régulière pour, comme il disait, chasser l’odeur du tabac qui imprégnait ses vêtements.

 

J’ai toujours adoré aller chez mes grands parents maternels autant pour les mamours que me prodiguait ma grand-mère, que pour ses tartes à la fraise et pour les moments adorables que je passais avec mes grands parents pendant lesquels il réussissaient à me faire croire que pour eux, j’étais la chose la plus importante de l’univers.

 

De Papé, je garde toujours en mémoire l’image de homme grand qu’il était, le visage buriné par le vent et le soleil, les mains calleuses et douces à la fois et en association avec cette image, un mélange particulier d’odeur de tabac et de bonbons à la menthe.

 

Quand il est mort quelques mois après la naissance de mon deuxième fils, j’ai tellement eu le cœur brisé que je suis restée longtemps prostrée dans mon coin à ne pas savoir quoi faire de tant de griefs envers ce dieu chrétien dont on m’avait conté la miséricorde et la bonté et qui semblait faire du donnant- donnant avec moi en m’enlevant un être cher après m’avoir permis d’en avoir un autre.

 

Depuis ce temps là, j’ai cessé de croire à toutes ces sornettes de vie au-delà de la mort, de rédemption et de paradis qu’on nous servait à toutes les sauces que se soit au catéchisme ou à l’église.

 

Pour moi, sur terre il n’y avait que souffrance et injustice, et au-delà il n’y avait rien !!!

 

Et puis un jour quelque chose d’incroyable m’arriva ! Quelque chose qui me fit changer d’avis.

 

A l’époque, nous vivions, mon mari nos deux garçons et moi, à La Nouvelle Orléans aux Etats Unis. Alexandre l’aîné des garçons était inscrit à l’école Française des Sœurs de La Charité, tandis que Michaël, encore trop petit (2 ans) pour aller à la maternelle, devait rester avec moi où que je sois et où que j’aille.

 

Ce jour là je devais récupérer Alexandre  à l’école mais il y avait des travaux sur la route. La déviation était longue et je n’avais pas envie de faire le tour de la ville pour aller me garer sur le parking de l’école. Alors pour faire plus court je suis allé me garer de l’autre côté de la voie rapide en face de l’école pensant que je n’avais qu’à traverser en courant à l’endroit où un semblant de passage piéton était peint au sol.

 

Michaël, que j’avais emmené avec moi s’était assoupi dans la voiture, et je me suis dis que je pouvais le laisser juste le temps de récupérer son frère et de revenir.


Quelle idiote j’étais !

 

Evitant les bolides fous furieux qui clacssonnaient de façon hystérique, je traverse donc l’avenue à double voie après avoir enfermé à clé mon fils de deux ans dans la voiture, et je m’apprête à rentrer dans le parc qui jouxte l’école quand j’entend une voix derrière moi qui criait :

 

- Maman! Maman !

 

La voix me glaça le sang car j’avais reconnu celle de Michaël.

 

Une peur viscérale s’empara de moi m’empêchant de me retourner pour voir ce que j’imaginais : mon bébé du haut de ses deux ans traversant l’avenue à double voie soudain renversé, écrabouillé, pulvérisé par les monstres d’acier hurleurs qui fonçaient sur la route.

 

En un instant qui dura une éternité, plusieurs vies se sont déroulé devant mes yeux :

 

Mon Mari fou de chagrin se tire une balle dans la tête, après m’avoir découpé en morceaux,

 

Nous sommes tous devenu fous internés à Saint Anne à Paris,  et Mamie qui venait tous les jours me faire manger à la petite cuillère,

 

Alexandre engagé dans la Légion étrangère et moi devenue une vieille clocharde alcoolique après que mon mari se soit suicidé avalant de la mort aux rats !

 

-          Maman ? dit Michaël mettant sa petite main potelée dans la mienne.

-          Mika .. Ture !! Maman.

 

Revenue sur terre je me retourne et prends mon fils dans les bras ne sachant pas si je n’étais pas encore entrain de rêver. Le spectacle derrière moi était hallucinant :

 

L’avenue à deux voies était coupée en deux avec au milieu une traînée de lumière qui partait de notre voiture se dirigeant vers l’endroit où nous nous tenions, et de part et d’autre des effluves d’air chaud faisaient tancer les images des voitures et camions suspendus au-dessus du sol, les rendant presque irréels comme des mirages au dessus de l’horizon désertique et chaud.

 

-          Oh temps suspends ton vol ! et vous heures propices, suspendez votre cours !

 

Ce vers d’Alphonse de Lamartine résonnait dans ma tête alors qu’un silence assourdissant enveloppait toute la scène.

 

L’instant d’après, il y eu comme une déchirure dans l’espace temps et les monstres d’acier colorés reprirent leurs courses folles dans les deux sens dans un concert de klaxons démoniaques, de moteurs vrombissants et de gémissement de gomme frottée sur l’asphalte chauffé à blanc.

 

Encore une fois, il s’en fallut de peu que Michaël et moi ne soyons happés par cette soudaine charge tout droit sortie de l’enfer. Quelque chose nous avait protégé !

 

Tout autour de nous, il y avait comme une curieuse odeur de tabac et de bonbons à la menthe qui flottait dans l’air et qui me rappelait un souvenir d’enfance enfoui au plus profond de ma mémoire.

 

Depuis ce jour, je me surprenais à ressentir la même odeur à chaque fois que je regardais Michaël jouer auprès de moi comme si mon grand père voulait me dire avec ses mots à lui :

 

-          T’inquiète pas ma petite fille, Papé veille au grain !

 

 

Décembre 2006

 

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